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Article mis à jour le 20 octobre 2014

Parce que les décideurs politiques et économiques préfèrent cacher la réalité sociale que de dire la vérité, il est souvent difficile de trouver des informations fiables sur la réalité d’un bassin d’emploi.

Ainsi, par exemple, on trouve régulièrement dans la presse l'information selon laquelle le chômage serait à 10%. Mais cette information est fausse car partielle : Ça ne concerne qu'une seule catégorie de chômeurs (Cat. A). Vous apprendrez en lisant cet article qu'en réalité au moins 23% de la population active est privée d'emploi ou en sous-emploi.

Si l’on veut inventer ensemble le travail de demain, ou si l’on veut se renseigner sur les métiers ou les emplois d'un bassin, il est indispensable d’avoir des informations fiables et vérifiables sur le sujet, et d'avoir une vision globale du sujet.

Voici donc l' observatoire de l' emploi du pays de Lorient. Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Nous tenons à remercier ici tous les camarades qui ont travaillé sur ce dossier.

Question de base : Le travail, c’est quoi ?

Un grand débat agite la société, qui oppose « travail » et « emploi ».

Si l’on considère que le travail est avant tout un effort, nous faisons tous des efforts, toute notre vie. Donc nous travaillons toute notre vie. Ces efforts sont conditionnés par la vie sociale collective, notre organisation sociale, à laquelle nous participons tous. Ces efforts, et la reconnaissance sociale de ces efforts, passe entre autres, dans notre société capitaliste, par le salaire, qui détermine les moyens de subsistance...

Quand on entretien un véhicule, construit une maison, élève des enfants, réalise des tâches ménagères, aide une personne âgée à porter ses courses, fait pousser des tomates, et qu’on est payé pour ça, ces tâches sont considérées comme un emploi.

Mais si ces tâches sont non rémunérées, ça reste quand même du travail…

Alors que de plus en plus de personnes sont privées d'un emploi décent à salaire décent, la notion d’utilité sociale, et de reconnaissance de cette utilité sociale, se pose toujours plus fortement…

Pour Bernard Friot, sociologue spécialisé sur la question du salariat, il est urgent de remettre à plat le salariat en France . Ainsi, il propose une sorte de « salaire minimum » pour tous payé toute la vie, qui serait basé sur le SMIC mensuel. Mais il propose surtout de repenser toute l’organisation du travail à l’échelle de la société, en se focalisant sur l’épanouissement de chaque individu, en répartissant le travail et les revenus selon l’utilité sociale du travail réalisé. Dans sa vision des choses, l’accumulation capitalistique des richesses doit être remise en cause. En partant du principe que ce sont les travailleurs qui créent les richesses, pas le capital.

Ce qui est bien entendu une rupture nette avec la société capitaliste actuelle, basée sur l’exploitation des travailleurs par une ultra-minorité d’actionnaires et de banquiers, ainsi que par l’élite politique qui leur sert la soupe.

Parce que c’est celui qui est le plus facile à appréhender et à quantifier, nous nous focaliserons  dans cet observatoire, sur le travail rémunéré et déclaré.

Prochainement, nous diffuserons des témoignages vidéo qui vous permettront d'encore mieux connaître la réalité du travail vécue par les travailleurs du pays de Lorient.

Population : 214.000 habitants ⁽¹⁾

Population active : 99.000 ⁽²⁾

Salariés privés d’emploi ou en sous-emploi : 22 924 ⁽³⁾

Soit 14,5% totalement privés d’emploi + 8,6% de personnes en sous-emploi (personnes déclarant chercher un emploi, en CDD, en intérim, en contrat aidé, en temps partiel subi, en stage…)

Au moins* 23,1% de la population active est privée d’emploi ou en sous-emploi 

 Audelor parle lui-même de « taux de chômage le plus élevé de Bretagne »

*Ce chiffre est un minimum. Ne sont pas comptabilisées les personnes qui aimeraient bien avoir un emploi décent à salaire décent, qui ne touchent ni le RSA ni l’AAH ni une allocation chômage, et qui, désespérées de trouver ce qu’elles cherchent, ne sont plus inscrites au Pôle emploi. Ces personnes existent bien, mais il est difficile d’en évaluer le nombre.

Dans notre camembert, nous avons aussi dû minorer l'importance du sous-emploi (temps partiel subi), car nous n'avons pas trouvé de chiffres concernant les personnes à temps partiel subi n'étant pas inscrites à Pôle emploi, et ne touchant ni le RSA ni l'AAH. 

(1) Source : GREF

(2)  93.000 recensés par Audelor, plus 6.000 « fantômes » recensés par l’UL CGT de Lorient (voir explication ci-après)

(3)  Chiffres de janvier 2010 :

• 14909 officiellement inscrits au Pôle emploi catégories A,B et C.
• Plus 5988 allocataires RSA et AAH « fantômes », non comptabilisés car abusivement non inscrits au Pôle Emploi. Ce chiffre est obtenu en comparant le nombre d’allocataires RSA et AAH (source : CAF) et le nombre d’allocataires RSA et AAH inscrits au Pôle emploi (en janvier 2010, 2323 allocataires RSA et 1067 personnes reconnues travailleurs handicapés étaient inscrits au Pôle emploi catégories A,B,C)
• Plus 2027 personnes inscrites au Pôle emploi catégories D et E en janvier 2010.

Soit un total de 22924 personnes comptabilisées privées d’emploi ou en sous-emploi : 14370 ne travaillant pas du tout (chiffre obtenu par extrapolation), plus 8554 personnes en sous-emploi ( CDD, intérim, contrat aidé, temps partiel subi, stage…)

Pour les explications concernant les catégories des personnes inscrites au Pôle emploi,  cliquer ici.

18,6% de la population active est à temps partiel, dont 30% est en temps partiel subi

Temps partiel subi : Personnes qui souhaitent travailler plus d’heures, et qui sont disponibles pour le faire.

Source :  INSEE

Calés sur leurs objectifs européens, nos élus régionaux pensent que le bassin d'emploi n'a pas d'avenir : Malgré un chômage et une précarité record, ils se contentent de constater que l’INSEE prévoit une fuite importante des actifs d’ici 2030…

Source : GREF Bretagne.

Constatez qu’il n’y a aucune proposition pour inverser la tendance dans ce "tableau de bord". Le capitaine va droit sur le caillou, en sifflotant...

Et nous, on sifflote avec le capitaine, ou on change de cap ? 

Structure de l’activité

Au 31 décembre 2010, sur le pays de Lorient

16570 établissements emploient 65610 salariés

73,6% dans le tertaire

16,4% dans l’industrie

8,7% dans le bâtiment

1,2% dans l’agriculture, pêche, sylviculture

Source : GREF Bretagne

Les plus gros employeurs du bassin

Source : Urssaf 2010

Pour connaître dans le détail le nombre d’entreprises et d’emplois par secteur d’activité, et par zone géographique, consulter le site de l' ACOSS (données récentes mises à jour tous les trimestres).

Recrutements : Le nombre de contrats explose, les salariés en recherche d'emploi prennent des contrats de plus en plus courts, avec de moins en moins d'heures...

92% des contrats sont précaires

Les CDI représentent 14% des embauches hors interim, soit moins de 8% du total de toutes les embauches, si l’on inclus l’intérim (Source : GREF Bretagne)

Le nombre de contrats signés est proprement incroyable : Tous types de contrats et tous types de secteurs confondus

En 2012, 130 000 contrats ont été signés

source : Pôle emploi 

73548 Déclarations préalables à l’embauche hors Interim [ chiffres obtenus par extrapolation,  nous avons enlevé 4% du bassin de Lorient « nouvelle définition » qui comprend le pays de Le Faouët ]

57988 Embauches en Interim –  [ chiffres obtenus par extrapolation : Il y a eu 935300 embauches en Interim en Bretagne en 2012 (source DIRECCTE), et le pays de Lorient concentre 6,2% des postes régionaux (source GREF Bretagne) ]

Le chômage et la précarité sont donc liés : Sur ces quarante dernières années, on observe que plus il y a de chômage, plus il y a de contrats courts.

37% des offres d'emploi sont à temps partiel

Source :  GREF Bretagne

Baisse du temps de travail : Une évolution qui va dans le sens de l'histoire

Source :  INSEE

C'est une évolution qui profite à tout le monde, car si l'évolution des techniques permet de s'affranchir de travaux pénibles, et de travailler moins, c'est bien sûr positif.

Encore faut-il que cette évolution profite à tout le monde.

A nouveau, on observe une forte disparité de revenus et de qualité de vie au travail, selon que l'on soit en CDI ou fonctionnaire, ou bien précaire.

Pour un tiers des travailleurs à temps partiel, ils subissent leur situation (voir chiffre plus haut).

Si l'on souhaite travailler TOUS et MIEUX, il est grand temps de penser à une juste redistribution ET du travail ET des richesses.

Avec le nombre de salariés privés d'emploi ou en sous-emploi (au moins 23% sur Lorient, voir plus haut), il serait donc logique d'envisager une nouvelle baisse collective du temps de travail.

Revenir sur les 35 heures serait une abberation. Il faut aller de l'avant, et viser 32 heures, voire 28 heures par semaine.

Ou prévoir un départ anticipé en retraite.

Ou toute autre  organisation du travail compatible avec les besoins de la population, la justice sociale et l'épanouissement des travailleurs.

Rotation de main d’oeuvre : En moyenne, pour une entreprise de 100 salariés en Bretagne, 60 personnes sont embauchées et débauchées dans l’année.

Encore un triste record battu !

Ce chiffre, appelé « rotation de main d’œuvre », illustre le mode de gestion du personnel « Mc Donald » : On embauche sur des contrats courts, souvent à temps partiel, un personnel corvéable à merci car il n’ose rien dire, de peur de ne pas être repris…

Bien entendu, dans des secteurs comme l’aide à la personne, les établissements pour personnes âgées, la santé ou l’éducation, cela a des incidences sur la continuité et la qualité du service rendu. Ceci alors même que les besoins en termes de personnel sont permanents !

Et pour les "services RH", l’humain devient une simple variable d’ajustement, un chiffre dans une colonne. Les salariés corvéables à merci sont "d'astreinte" permanente. On les appelle, ils doivent venir dans l'heure pour réaliser une tâche, remplacer un autre salarié. Et si ils ont le toupet de ne pas venir, ils sont rayés de la liste...

Ce mode de recrutement tire les salaires et les conditions de travail vers le bas pour tous les salariés. Mais pour les précaires, en plus des salaires de misère, il empêche toute organisation de vie familiale, et le mot "vacances" n'est plus qu'un souvenir...

Le secteur « administration publique, enseignement, santé, action sociale », qui est le plus gros employeur du bassin… Est celui qui abuse le plus de la précarité !

On retrouve aussi comme secteurs très « consommateurs » de précaires : Aide à domicile, commerce de grandes surfaces, transformation de produits alimentaires.

Source : DIRECCTE 

Pour connaître les offres d’emploi les plus diffusées par Pôle emploi, cliquer ici.

Salaires : Qui gagne le plus en Bretagne ?

Ces données de 2009 sont les dernières disponibles.

Source : INSEE 

Quels sont les travailleurs les plus exposés aux risques professionnels et accidents du travail ?

Source :  DARES

D'après Thomas Coutrot, économiste, la pénibilité physique n'a pas reculé (+500% de troubles musculo-squelettiques en 10 ans) et la charge mentale s'est considérablement accrue. Il met en avant l'inégalité des travailleurs devant les risques du travail. Il insiste aussi sur l'importance du développement de la sous-traitance dans le développement des risques pour la santé. Source : N° hors série Alternatives économiques poche N°52 "L'état de la France au travail".

La Bretagne, une région championne pour les maladies professionnelles 

La Bretagne affiche un indice de fréquence de maladies professionnelles deux fois supérieur à la moyenne nationale.

Et, en ce qui concerne les maladies professionnelles dans les services, commerce, et industrie de l'alimentation, le chiffre breton est trois fois supérieur aux chiffres nationaux POUR LE MÊME SECTEUR D'ACTIVITÉ.

Voir pages 18 et 19 du rapport "diagnostic santé-travail en Bretagne 2012" de l'observatoire régional de santé.

C'est ce qu'on appelle avoir de la "marge de progrès"...

Emplois industriels en Bretagne, la saignée : 

En cinq ans, 11400 emplois détruits

* Entre 2006 et 2011 Source : Urssaf Bretagne

Après 40 ans de mutations, quel avenir de l'emploi au pays de Lorient ?

Le pays de Lorient a subi depuis les années 1970 de nombreuses destructions d'emploi dans l' industrie et la pêche. Et comme partout ailleurs, l'emploi s'est "tertiarisé". 
Certaines destructions d'emploi ne sont pas à regretter, car si les machines allègent le travail de l' homme et le rendent moins pénible, tant mieux.
Mais certaines destructions d'emploi viennent d'une mise en concurrence débridée avec des travailleurs mal payés, et sans protection sociale, pour le plus grand profit des barons de la finance.
Tout ceci sans prendre en compte les besoins réels de la population, et sans prendre en compte la nécessité de préserver  notre environnement.
Quoiqu'il en soit, rien ne justifie que certains dorment dehors et d' autres sur des tas d'or.
Rien ne justifie qu'il y ait de plus en plus de travailleurs pauvres.
Rien ne justifie que les conditions de travail se dégradent.

Rien ne justifie qu'une partie de plus en plus importante d'entre nous soit privée d'emploi, ou contrainte à prendre un emploi dégradé.

Les besoins de la population doivent être assurés par les actifs du bassin.

L'agriculture, l'industrie doivent être confortées. Il faut cesser la concurrence avec les pays qui se fichent de l'environnement et des travailleurs. Les emplois dans l'éducation, la santé, l'aide à la personne, doivent être occupés par des personnes qualifiées, sur des postes pérennes. 

La baisse des salaires, la précarisation de l'emploi, et la casse des droits sociaux ne produisent pas de richesses, au contraire elles appauvrissent les travailleurs et fragilisent nos existences. 

Chaque travailleur doit pouvoir vivre de son métier.

Voici l'analyse d'Alain EVEN, président du Conseil Economique et Social de Bretagne, dans un entretien avec le journal Ouest France du 16 février 2010 : 

Même si la Bretagne est moins touchée que d'autres régions par le chômage, elle souffre aussi d'avoir beaucoup de salariés pauvres et précaires, faiblement qualifiés, de temps partiels subis.

L'enjeu n'est donc pas seulement de créer n'importe quels emplois, pourvu qu'ils fassent nombre, mais aussi qu'ils permettent d'en vivre correctement.« Qu'ils soient décents ».

Explosion de la précarité, du sous-emploi, intensification du rythme de travail, augmentation importante des pathologies liées au travail et au chômage, injuste répartition des richesses : Et si les travailleurs étaient à l’origine de leur propre malheur ?

La « crise » n’est pas vécue de la même façon selon sa situation familiale, affective, financière.

Selon son niveau d’étude, selon qu’on soit malade ou en bonne santé.

Mais le phénomène de la précarité, du sous-emploi, des travailleurs pauvres, lui, touche de plus en plus de monde.

Il en va de même concernant les maladies physiques ou psychologiques liées au travail ou à la perte d’emploi. Ceci alors même que la France n’a jamais été aussi riche.

Pour la CGT, la production de biens et services par les travailleurs doit être au service de toute la population, et non pas seulement une poignée de nantis du CAC 40.

Et si notre incapacité à s’organiser et à se mobiliser collectivement contre les barons de la finance était le cœur du problème ?

L’histoire du mouvement social nous apprend pourtant que si on ne défend pas son beefteak, ce sont eux, les barons de la finance, qui imposent leur loi.

Et si on remettait l’humain au centre du débat sur le sens du travail ?

Et si nos vies étaient plus importantes que leurs profits ?

Enfin, pour ceux qui veulent en savoir plus :

Pour lire notre article sur les emplois décents à salaire décent au Pôle emploi, cliquer ici.

Concernant l’actualité de la masse salariale, les redressements et liquidations judiciaires par secteur, consulter le site de l’URSSAF en cliquant ici.

Concernant le travail saisonnier, lire le mémoire sur les saisonnalités dans le Morbihan en cliquant ici (source : département du Morbihan).

Documents de l'INSEE sur le même sujet, documents de 2011 : Pays de Lorient : des emplois concentrés, des populations contrastées (Octant Analyse n° 25). Et  Le pays de Lorient face aux enjeux des mutations économiques et sociales