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Pour les filles de Pontivy, ni gros chèque ni bonbonne...

Non, la France n’est pas au bord de l’embrasement social. Pour un conflit surmédiatisé, combien d’usines fermées en silence ?

A croire que les commentateurs ont perdu avec la crise tout sens de l’imagination. « Les conflits sociaux se radicalisent », lit-on ici. « La colère des salariés monte », dit le présentateur des infos. Les mêmes analyses, les mêmes expressions, servies à satiété depuis des mois quand un conflit social commence à mal tourner.

Dès qu’un patron est retenu -même quelques heures-, dès que les salariés menacent de s’en prendre à l’outil de production, les caméras se bousculent. Le lendemain, elles sont déjà reparties, ailleurs, dans une autre usine : l’usine du jour, comme il y a un menu du jour au restaurant. Saumon, bavette, poulet. New Fabris, Nortel, Michelin. Les mois précédents, il y en eu d’autres, déjà presqu’oubliées : Molex, Sony, 3M, Caterpillar.

A chaque séquence, son mode opératoire. Au printemps, ce furent les séquestrations (« rétentions », préfèrent dire ceux qui les font). Cet été, c’est la bonbonne de gaz. Après les séquestrations du printemps, une gradation dans la menace, comme en écho à cette crise qui s’accroît un peu plus chaque jour. Simples carambolages de l’actualité ? Evidemment, non. Il se noue là une complicité presque perverse entre les médias et les salariés qui tentent de sauver quelque chose, leur emploi, leur usine, une prime de départ et un peu de dignité. Les uns veulent de la tension, de la colère, des tranches de vie en dix secondes (« J’ai tout donné, 35 ans que je travaille ici, et maintenant comment je vais payer ma maison ? »). Les autres veulent que l’on parle d’eux.

Ces jolies histoires que l’on nous raconte ont pourtant un défaut majeur. Elles ont l’apparence du réel, mais sont le résultat d’un formidable effet de loupe.

Non, les salariés de New Fabris-Châtellerault qui menacent de faire sauter l’usine ne sont pas d’affreux agitateurs pressés d’en découdre. Ils tentent juste de se battre avec les armes qu’ils ont. En l’occurence, les médias sont leur seule caisse de résonance. Consommateurs de médias eux aussi, ils ont appris à s’en servir.

Non, la stratégie du chèque et de la bonbonne n’est pas une nouveauté. En 2001, déjà, les salariés de Cellatex menaçaient de faire sauter l’usine. En réalité, ces menaces sont souvent virtuelles. Quand ils ne parlent pas aux caméras, les leaders du mouvement discutent avec le préfet, directement au bout du fil.

Et non, la France n’est pas au bord de l’embrasement. Car pour un New Fabris ou un Continental, combien de conflits oubliés ? Combien de salariés licenciés qui quittent le travail sans rien dire, avec le minimum légal, quatre mois de salaire pour vingt ans d’ancienneté ? Qui, à part les habitants du Morbihan, a entendu parler des abatteuses de volaille de Pontivy, 238 salariés ? En septembre leur patron, Unicopa, a revendu le fonds et la matière première. Personne n’a été repris. « Ils ont pris la dinde et ils nous ont laissées », disent les filles. Leur seul tort : ne pas avoir su attirer les caméras. S’être montrée trop gentilles. Leur mésaventure dit à elle seule l’indigence du dialogue social dans notre pays et l’absence coupable d’anticipation des mutations économiques. Ce sont là les vraies leçons de la crise. Au-delà de l’écume médiatique.

Mathieu Magnaudeix Journaliste à Mediapart.fr, il suit l’actualité sociale.



06/08/2009
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