Le rapport du secrétaire général de la CGT: L’espoir et l’ambition de jours meilleurs
A vous tout d’abord, les 1 000 délégués représentant les syndicats et sections de retraités de la CGT. Beaucoup d’entre vous vont remplir ce mandat important dans la vie de l’organisation pour la première fois, ce qui suscite, nous le savons, une certaine appréhension. Elle va vite se dissiper.
Je veux remercier nos invités qui nous ont fait l’amitié de répondre présents pour ce rendez vous. Dirigeants syndicaux français ou d’autres continents, responsables de partis politiques, d’associations, vont se succéder durant cette semaine. C’est avec plaisir que nous vous accueillons à Nantes où de nombreux camarades de Loire Atlantique, que je salue également, se sont investis pour un séjour studieux et agréable.
Le Congrès, c’est l’aboutissement d’un long processus de préparation collective qui consiste à prendre le temps de l’analyse de la situation, du bilan de l’activité, de se projeter vers l’avenir en se donnant des objectifs et en se fixant une démarche syndicale. C’est peu dire que d’évoquer un contexte économique, social et politique lourd d’enjeux pour le syndicalisme en général et singulièrement pour la CGT.
Un climat pesant s’est installé ces derniers jours dans le pays
provoqué par le débat sur l’identité nationale voulu par les partis de
droite dans la perspective des élections régionales.
Une majorité de français ne s’y trompe pas et juge l’initiative
d’abord comme relevant d’une stratégie électorale.
La polémique s’est amplifiée après la votation en Suisse rendant les
minarets de ce pays plus célèbres que son chocolat ou son secret
bancaire.
Reviennent sur le devant de la scène thèses et propos xénophobes. Le Front national se lèche les babines.
On ne nous enlèvera pas de l’idée qu’il y a là aussi la volonté de
détourner l’attention focalisée sur la crise et ses répercussions sur
d’autres terrains cultivant les clivages sur des bases nationalistes ou
religieuses.
C’est dans ce contexte que, précaires parmi les précaires
plusieurs milliers de travailleurs ont décidé de redresser la tête pour
sortir de leur clandestinité administrative, je veux parler de la lutte
des travailleurs sans papiers dont beaucoup ont choisi la CGT pour
mener leur combat.
Plus de 6 000 travailleurs immigrés sont en grève, notamment en
Ile de France. 2 000 entreprises sont concernées par les grèves dans 38
départements. 1 500 salariés ont adhéré à la CGT, créé leur syndicat.
Ils ne doivent pas être les otages des stratégies politiciennes.
Ils font preuve de beaucoup de courage et de lucidité. Beaucoup de
monde reconnaît maintenant le caractère indigne de leur situation
compte tenu de leur place dans la société française, dans son économie,
dans ses entreprises.
A quel titre devrions-nous accepter qu’ils travaillent, qu’ils cotisent
mais qu’ils n’aient pas le droit de circuler librement ?
A quel titre, sauf à considérer que les employeurs devraient
disposer d’une main d’œuvre plus docile encore parce que sous la menace
de l’expulsion.
Face à la mobilisation, Eric Besson a dû consentir de nouveaux textes.
Les 11 syndicats et organisations qui soutiennent maintenant les
travailleurs sans papiers les jugent très insuffisants.
Ils vont permettre d’autres régularisations après les 2 200
obtenues à l’automne 2008 mais trop de salariés restent sur le carreau,
l’inégalité de traitement suivant les départements reste totale.
Comment prétendre dans le domaine social fixer des règles et
annoncer qu’elles s’appliqueront pour un quota de 1 000 salariés
seulement ?
Pour nous, ce n’est pas qu’un combat solidaire entre travailleurs
français et immigrés, c’est aussi un combat pour la justice et la
dignité de l’ensemble des travailleurs.
_ Le premier engagement que nous pouvons prendre à ce congrès,
c’est d’accroître notre solidarité et notre engagement en faveur de la
régularisation des travailleurs sans papiers.
Chers Camarades, nous avons sans doute plus de responsabilités que
d’autres, tout simplement parce que nous sommes la première force aux
côtés des salariés, la force dont les initiatives, les prises de
position comptent dans la société française.
C’est ce qui explique que nous sommes plus que d’autres l’objet de multiples commentaires.
Un Congrès de la CGT, ça laisse peu de monde indifférent. Comme
vous, je lis et j’écoute ce qui se dit et s’écrit à propos de la CGT,
de son congrès et des débats qui l’ont préparés.
Il y a parfois des choses surprenantes, nous avons déjà vécu cela
par le passé. Bien des médias ne semblent pas parler de la même
organisation que celle que nous connaissons. Certains continuent de
prendre leurs désirs pour des réalités et la caricature voire le
mensonge se substituent à l’analyse objective de ce que nous sommes et
de notre démarche.
A défaut d’analyse plus approfondie sur la CGT, le syndicalisme,
les enjeux sociaux, les commentateurs privilégient les clichés relatifs
à la posture de la CGT.
Nous ne nous laissons pas impressionner pour autant. Nous n’acceptons
pas que cela entrave nos débats.
Nous revendiquons d’être une organisation démocratique dans
laquelle des opinions contradictoires ont droit de cité. La CGT a la
qualité de regrouper la plus grande diversité de militants compte tenu
de leur sensibilité politique, de leur origine ou de leur conviction
philosophique ou religieuse. A nous d’en faire une richesse et non un
handicap insurmontable.
Le jour où les différents points de vue ne pourront plus s’exprimer dans la CGT, nous ne serons plus la CGT.
Cela étant dit, chez nous le débat n’est pas l’insulte. Des mots
qui ne font pas partie du vocabulaire CGT ont été prononcés ces
derniers mois. Ils ont été abondamment relayés par la presse. J’insiste
sur la nécessité du respect mutuel entre militants dans la conduite de
nos discussions.
Il n’y a pas d’ « ennemi de classe » dans les rangs de la CGT.
Il n’y a pas davantage d’interdit pour y prendre des
responsabilités. Il y a simplement la nécessité de respecter les règles
de vie communes que se sont données les syndicats pour le
fonctionnement démocratique de la Confédération.
Ce ne sont pas les éditos de presse qui feront la CGT. C’est vous,
les délégués du 49ème Congrès qui allez prendre les décisions pour
l’avenir et élire une direction renouvelée.
Nous avons d’autant plus besoin du débat entre nous que personne ne
peut prétendre que notre tâche est facile.
En fait, l’une des questions centrale est de savoir si la CGT à la
fin de son Congrès en sortira plus forte parce que rassemblée ou au
contraire plus fragile parce que divisée.
Bien sûr, gouvernement et patronat, sans le clâmer, privilégient
la deuxième hypothèse.
Par contre, beaucoup de salariés veulent une CGT qui donne confiance,
une CGT qui, dans ses domaines d’intervention, contribue à alimenter
l’espoir dans une période où beaucoup est fait pour inciter au
découragement et à la résignation.
Nous pouvons aborder tous les sujets, sans tabou, mais à condition
d’être obsédés à chaque instant par l’objectif d’être plus forts à
l’arrivée, c’est à dire en meilleure capacité de défendre les intérêts
des salariés.
Je souhaite que chacun d’entre nous ait cette préoccupation à
l’esprit durant nos travaux.
Lorsque les salariés confortent la CGT dans sa première place aux
élections prud’homales, lorsqu’ils sont des centaines de milliers à
choisir le drapeau de la CGT pour participer aux manifestations
unitaires, lorsqu’il s’adressent à nous pour obtenir un coup de main ou
un conseil, ce sont des marques de confiance.
A l’ouverture de ce congrès, nous pouvons annoncer 45 905
adhésions à la CGT pour cette année. 67 % des nouveaux adhérents
viennent des entreprises privées.
La grande majorité des salariés n’a pas de doute à notre égard.
Ils connaissent comme nous la situation qui conjugue crise du
système capitaliste, même s’il ne la qualifie pas ainsi et la politique
économique et sociale mise en oeuvre par le Président de la République
qu’ils désapprouvent de plus en plus systématiquement.
Dans le baromètre annuel qui recueille l’opinion des salariés sur
les syndicats, la CGT est jugée présente pour 79 %, combative pour
74 %, respectueuse de l’avis des salariés pour 65 %. Toutes les
confédérations, mes chers Camarades, n’obtiennent pas de tels
résultats. Dans le même temps, les salariés nous demandent d’être
encore plus à leur écoute et d’inventer de nouvelles solutions pour
répondre à la crise dont ils sont les victimes mais en aucun cas les
responsables.
C’est dire que les salariés n’attendent pas de la CGT qu’elle
renonce à être elle-même mais espèrent qu’elle saura de manière
crédible porter de nouvelles ambitions dans un environnement hostile
aux revendications.
Il y a juste un an, le 3 décembre 2008, la CGT était confirmée
comme première organisation syndicale aux élections prud’homales. Avec
34 % des voix, notre influence a progressé de 1,34 %. Pour la première
fois, la tendance historique à la baisse que nous connaissions depuis
1979 a été inversée.
La CGT progresse dans toutes les sections et dans 75
départements. Nous sommes la première organisation dans 85
départements. Les deux confédérations CFDT et FO voient leur score
diminuer respectivement de 3,4 % et 2,3 %. Nous gagnons 270 élus.
Certes, il y a un bémol et il est d’importance, c’est le fort taux d’abstention. La CGT ne peut s’en satisfaire.
Plusieurs facteurs y ont contribué :
l’absence d’une campagne permettant aux syndicats d’être présents dans les médias
un processus électoral entaché de nombreuses erreurs matérielles.
A ce propos, j’informe le Congrès que suite à notre plainte
relative au système de vote électronique expérimenté à Paris, le
Président de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés
vient de nous informer que suite aux opérations de contrôle qu’elle
avait effectuées durant la préparation et le déroulement du scrutin,
les manquements dans différents domaines ont abouti à une sanction
envers le Ministère du Travail. C’est une décision importante dont nous
allons analyser toutes les conséquences.
Ne banalisons pas ce très bon résultat ; nous n’en avons pas le droit et ce pour plusieurs raisons :
Déjà, il n’était pas gagné d’avance. Au contraire, beaucoup de
commentateurs avisés ne s’attendaient pas à ce paysage syndical sorti
des urnes.
Ensuite, parce que ce bon résultat est la conjugaison d’une réelle
mobilisation de nos forces militantes et d’une démarche syndicale
appréciée chez les salariés.
Aussi, je veux remercier toutes les organisations et les militants
qui ont mis la main à la pâte, aux candidats à ces élections avec
lesquels nous avons conduit une campagne dynamique en articulant
mobilisations sur les revendications et nécessité du vote CGT.
Le score de la CGT, c’est aussi un encouragement à une démarche qui
conjugue contestation, mobilisation, proposition et négociation.
Une mission vient d’être confiée à un conseiller d’Etat en vue de trouver un mode de « désignation » des conseillers prud’homaux et non plus leur élection.
Surtout, n’allez pas croire que nos derniers résultats seraient pour
quelque chose dans cette envie de supprimer l’élection. Un scrutin que
d’aucuns présentaient comme la vraie mesure d’audience des syndicats
pour apprécier leur représentativité et puis pschitt, plus rien, le
résultat connu, on n’en parle plus.
La CGT réaffirme aujourd’hui son attachement à l’élection des juges
prud’homaux par l’ensemble des salariés.
Plusieurs mesures affectent par ailleurs la prud’homie :
la refonte de la carte judiciaire ;
la
réforme de l’indemnisation des conseillers pour leurs activités
prud’homales qui impose, pour la première fois à des magistrats, un
temps maximum pour le traitement des litiges ;
on nous annonce enfin une réforme de la procédure prud’homale, mettant en cause la conciliation et l’oralité des débats.
De telles mesures touchent aux fondements de la juridiction prud’homale et auraient de très graves conséquences.
Elles s’inscrivent en outre dans un mouvement général de « mise au
pas » de la justice, maintenant dénoncé par l’ensemble des
organisations professionnelles de magistrats.
Nous venons de lancer une campagne d’information et de signatures de
pétitions, le 3 décembre, jour anniversaire du scrutin. Il revient aux
organisations de la relayer en lien avec la défense quotidienne des
droits des salariés.
Revenons sur l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la république et son incidence sur les rapports sociaux. Pourfendeur du modèle social français et avocat de la rupture en 2007, son style et sa pratique des institutions ont considérablement amplifié la personnalisation et la concentration du pouvoir. En réaction à la crise, il a astucieusement remisé sa critique du modèle social, se félicitant que le rôle d’amortisseur joué par les systèmes de protection sociale ait permis de limiter la récession à un niveau inférieur à la moyenne européenne.
Au-delà des effets d’annonce lors des sommets du G20, l’objectif de
transformer le système économique mondial affiché par Nicolas Sarkozy
ne résiste pas à l’analyse. Il est lui-même obligé d’admettre que la
spéculation repart de plus belle alors qu’il prétendait avoir obtenu
une régulation efficace des marchés financiers et même la
« moralisation du capitalisme ».
Son vibrant plaidoyer à Genève pour un rôle accru de
l’Organisation internationale du travail et l’application de normes
sociales internationales contraignantes pour les entreprises à
l’échelle mondiale est en contradiction avec les réformes successives
du marché du travail en France. Ces dernières visent toujours plus de
flexibilité et de précarité pour les salariés et toujours moins de
contraintes pour les entreprises. C’est le cas, entre autres, de la loi
sur le travail du dimanche adoptée en plein été et contre l’avis de
tous les syndicats.
Il n’y a pas donc de « vraie conversion » sur les normes sociales et
la protection sociale de la part de celui qui a fait siffler le nom de
la CGT dans ses meetings électoraux. Il ne cesse au contraire d’en
dénoncer le poids sur les entreprises qu’il juge excessif dans la
compétition mondiale.
La plupart des réformes engagées poursuivent bien les objectifs
politiques mis en avant en 2007. Elles visent à transformer la société
dans un sens favorable au patronat et aux plus hauts revenus.
La réforme des collectivités territoriales s’inscrit dans cette
logique de concentration du pouvoir, à rebours de la décentralisation.
La suppression de la taxe professionnelle accentue l’allégement de la
contribution des entreprises au financement de la réponse aux besoins
collectifs.
Son modèle tient en 3 dimensions : le transfert du risque sur les
travailleurs, la socialisation des pertes des entreprises aux frais des
contribuables et la privatisation des profits !
La concentration du pouvoir à l’Elysée et la prééminence des
conseillers du Président sur les ministres tendent à nous présenter le
dialogue comme direct et systématique avec le sommet de l’exécutif.
Nous sommes conscients que cela n’est pas exempt de calculs ou de
manœuvres consistant à présenter les principaux dirigeants syndicaux
comme des interlocuteurs privilégiés du chef de l’Etat, quand ce n’est
pas comme des serviteurs de sa politique.
J’ai pu entendre dire à ce titre que j’étais personnellement
responsable de la mutation d’un préfet, du déplacement d’un ministre,
de la nomination d’un PDG ou que j’étais partie prenante d’un deal pour
écourter la grève déclenchée contre la réforme des régimes spéciaux de
retraite.
Ces rumeurs sont savamment distillées. Elles visent à instiller le
doute sur la loyauté de la direction de la CGT et sa détermination à
combattre les orientations économiques et sociales actuelles.
Et puisque quelques militants me font ce procès, alors je vous le
dis, je ne suis pas affecté d’un « sarkozysme » aigu, je me sens
vacciné contre cela.
Rappelons-nous que Nicolas Sarkozy n’a jamais caché qu’il était un
homme de rapports de force, ce qu’il applique y compris dans son propre
camp politique.
Nous ne devons pas renoncer à exercer notre mandat auprès des
pouvoirs publics, sous prétexte que les conditions de l’exercice du
pouvoir ont changé. Se serait renvoyer la prise en compte de nos
revendications à un changement du locataire de l’Elysée, alors que le
rôle du syndicat est de défendre les salariés quel que soit le pouvoir
en place.
Le Chef de l’Etat est le premier à savoir qu’on ne roule pas la CGT dans la farine.
Pour faire face à la politique sécuritaire du gouvernement actuel
qu’il s’agisse du fichage, des réformes régressives touchant la
justice, de la politique carcérale, de la chasse aux étrangers ou de la
répression syndicale, la CGT est intervenue en renforçant ses liens
avec les associations et les organisations professionnelles. Notamment
avec la Ligue des droits de l’homme, le Syndicat des Avocats de France
et le Syndicat de la Magistrature, comme dans l’action unitaire
toujours en cours contre le Fichier Edwige.
La défense du droit de grève et des libertés syndicales est une
constante de notre activité. _ On peut citer, dans la période récente :
l’acquittement par la Cour d’Appel de Poitiers de nos camarades de La Rochelle, accusés d’avoir incendié un local du MEDEF,
la mise en échec de la tentative de la Ville de Châteauroux d’expulser la CGT, FO et la CFDT de la Bourse du Travail,
la défense du droit de grève à la Régie des Transports de Marseille,
l’action
menée contre le projet de loi sur « le service minimum dans les
transports terrestres » qui a limité considérablement les ambitions
initiales du gouvernement.
Notre action contre la discrimination syndicale s’est encore
développée, débouchant sur des négociations et donnant des outils
revendicatifs et juridiques qui gagneraient à être mieux connus et
utilisés contre d’autres types de discrimination à l’entreprise.
Il y a à peine un an, nous étions au cœur de la crise financière la
plus grave qu’ait traversée le monde depuis longtemps. Aujourd’hui, les
gouvernements se veulent rassurants. « La situation est sous
contrôle », clament responsables politiques, banquiers et grands
argentiers réunis. La croissance repartirait progressivement en 2010.
« Le noir serait derrière nous », répète à qui veut l’entendre
Mme Parisot. Comme si l’économie était une affaire de météo.
Pour la majorité des salariés, des retraités, des privés d’emploi
la réalité est là : le nombre de plans sociaux ne cesse d’augmenter,
les salaires, les, indemnités et les pensions sont bloqués quand ils ne
reculent pas, les restructurations s’amplifient, les licenciements
pullulent, l’austérité budgétaire s’installe. L’Etat a les poches vides
après avoir réduit l’impôt des plus riches. Alors que dans les beaux
quartiers on a récemment sablé le champagne à l’annonce des magnifiques
résultats financiers des banques pour 2009, l’angoisse sociale ronge
toutes les couches de la société, à commencer par les ouvriers, les
employés, les jeunes. C’est vrai que la situation est encore plus grave
dans nombre de pays de l’Est de l’Europe. Les pays du Sud sont dans
l’étau de la crise. L’Afrique quant à elle s’enfonce inexorablement.
Comment dans ces conditions parler de « sortie de crise » ? Sinon parce
que nos responsables ont la volonté de cacher ce qu’il faudrait changer
dans le système.
La CGT refuse que les salariés soient menés une nouvelle fois en
bateau. La crise est financière, évidemment. Mais elle n’est pas que
financière.
Dès l’automne 2007, face aux premiers soubresauts financiers, nous
avons dit que la crise qui s’annonçait serait grave, profonde et sans
doute mondiale. Cette crise a des racines profondes.
Depuis au moins 25 ans, pour augmenter la rentabilité du capital, on
a sacrifié les services publics, privatisé à tour de bras. Les
entreprises ont mis une pression sans précédent sur les travailleurs :
elles ont massivement supprimé des emplois, elles se sont opposés à la
hausse des salaires, elles ont dévalorisé les qualifications, développé
la précarité, elles n’ont pas suffisamment investi dans la sphère
productive.
Pour sa part, la mondialisation a permis la mise en concurrence
des travailleurs à l’échelle du monde et a accentué les pressions sur
leurs rémunérations, leurs statuts, leurs conditions de travail et
d’emploi. Partout, comme l’admet aujourd’hui l’OCDE (Organisation de
coopération et de développement économiques), peu suspecte de
complaisance envers nos analyses, la part des salaires dans les
richesses créées, dans la valeur ajoutée a diminué et les inégalités se
sont accrues.
Nous avons dénoncé cette réalité, combattu les conséquences de ces
choix, sans malheureusement pouvoir inverser les tendances de fond.
Cette pression permanente a conduit à une insuffisance chronique de
la consommation que les patrons, les banquiers, les fonds spéculatifs
ont compensée par une financiarisation accrue de l’économie aboutissant
à la crise dite des « subprimes ».
La dérive dans la financiarisation a été favorisée par une accumulation
du capital exigeant une forte rentabilité. La Bourse est devenue la
boussole pour la direction des entreprises. Des taux de rentabilité de
10, 15 voire 20 % ou plus ont été érigés en dogmes, alors que les
richesses créées évoluaient beaucoup moins vite. AXA, Carrefour,
BNP-Paribas, Société Générale ont ainsi pu afficher une rentabilité
moyenne de leurs capitaux de respectivement 12 %, 15%, 22 % et 15 % sur
la période 2003/2007. Pire, des entreprises industrielles ont atteint
les mêmes sommets sur la période. 4 exemples : Bouygues (17 %), Eiffage
(24 %), Renault (19 %), STMicroélectronics (15 %).
De telles normes financières ont eu des conséquences directes sur la
gestion des entreprises. Elles ont ajusté masse salariale et
investissements productifs en fonction de la rentabilité exigée des
capitaux et des marchés financiers. Le travail créateur de richesses a
été méprisé. La loyauté attendue par les salariés de leur entreprise a
été bafouée.
On a commencé avec les fameux « licenciements boursiers » qui
aboutissent à la fermeture d’entreprises viables au prétexte qu’elles
ne dégagent pas suffisamment de profits et donc de dividendes pour
leurs actionnaires.
Certains découvrent aujourd’hui les répercussions dramatiques des
organisations du travail et des techniques de management qui peuvent
amener des salariés au suicide.
La CGT ne convoque pas au banc des accusés quelques exécutants,
quelques intermédiaires. Nous ne cherchons pas des boucs émissaires.
Nous mettons en cause un système. Un système où les taux de rentabilité
exigés, nettement supérieurs au taux de croissance des richesses, a
produit une situation intenable sur le long terme. Cette rémunération
des capitaux s’est nourrie d’une amputation de l’emploi, d’une
détérioration des conditions de travail, d’une mise au rebut de
machines et d’une dégradation de l’environnement. Le système était
condamné à des soubresauts de plus en plus importants jusqu’à cette
crise exceptionnelle.
Cette crise, avec ses conséquences terribles pour les travailleurs
et pour l’économie à l’échelon du monde, n’est donc pas seulement une
crise de la finance. Elle est la manifestation d’une crise du système
capitaliste. Elle résulte d’années de pression sur les salaires, de
longues périodes de récession sociale, de mise en cause des activités
industrielles et des services publics. En sortir nécessite de rompre
avec les politiques anti-salariales et antisociales et particulièrement
de desserrer l’étau de la finance sur l’industrie et les budgets
publics.
On nous parle de « moraliser le système ». Cela ne suffira
évidemment pas.
Poser de nouvelles règles, « réguler », comme disent les experts, est
indispensable mais pas suffisant. La crise actuelle met en exergue le
besoin d’une nouvelle stratégie de développement social, économique et
environnemental, ce qui suppose évidemment une relance du pouvoir
d’achat mais aussi de profondes transformations économiques et
sociales.
Notre message est clair. Pendant 25 ans, les choix
gouvernementaux, comme ceux des entreprises, ont privilégié les
intérêts des détenteurs de capitaux. Il s’agit maintenant de
revaloriser le travail pour assurer un développement humain durable.
En d’autres termes, au lieu de considérer l’argent comme une fin
en soi, nous voulons le mettre au service de la satisfaction des
besoins humains fondamentaux : la préservation de la planète,
l’alimentation, la santé, l’habitat, la culture, la communication,
l’information. Répondre à ces besoins nécessite de reconsidérer le
travail, sa place, son rôle, son contenu et les capacités créatives de
l’homme qui s’y expriment. Nous nous battons pour une politique globale
en faveur du travail.
Cette année 2009 a été marquée par de nombreuses mobilisations. Elle a permis de mettre en œuvre notre stratégie de construction du rapport de forces pour obtenir des conquêtes sociales dans un contexte inédit de crise systémique et d’unité syndicale. Un travail collectif d’impulsion important a été effectué par les organisations de la CGT. Cette unité est exceptionnelle pour une phase de crise économique et sociale.
Une plate forme commune a été adoptée le 5 janvier sur des propositions donnant notamment la priorité au maintien des emplois, à l’amélioration du pouvoir d’achat, à la réduction des inégalités dans les politiques salariales. Cette plateforme prévoit d’orienter la relance économique vers l’emploi et le pouvoir d’achat, de préserver et d’améliorer les garanties collectives. Elle a suscité l’élan pour de grandes journées de mobilisation nationale. Elle a été un point d’appui pour de nombreux conflits dans les entreprises, des branches professionnelles.
Les journées d’actions du 29 janvier, du 19 mars, et du 1er Mai avec des initiatives décentralisées au cours du mois d’avril ont connu un grand retentissement avec plusieurs millions de manifestants. Dans une première phase, une large partie de la population indignée a marqué sa colère face aux annonces indécentes des résultats des entreprises, aux salaires de grands patrons, aux parachutes dorés et aux stocks options.
Le Président de la République, le gouvernement et le patronat ont présenté quelques rustines, improvisées. Mais nous sommes loin du compte. Les initiatives décentralisées du 26 mai et la journée du 13 juin, comme les rassemblements du 7 octobre ont connu des participations moins importantes, nous ne l’avons pas caché.
Cette année est aussi marquée par des mobilisations engagées
notamment en Guadeloupe, à la Martinique, à la Réunion, en Guyane et en
Nouvelle Calédonie.
Les centrales syndicales de ces pays d’outre mer ont pris leurs
responsabilités face à une situation économique et sociale marquée par
la vie chère, le chômage, la précarité, la détérioration des services
publics.
La lame de fond populaire qu’elles ont déclenchée a contraint le
gouvernement et le patronat à des négociations, notamment sur le
pouvoir d’achat.
Ce mouvement est porteur de revendications sociales mais aussi
culturelles et politiques. S’ajoutent à la contestation des politiques
antisociales et du libéralisme la recherche d’une voie de dépassement
de la situation vécue comme coloniale par bien des aspects.
Nous sommes en lien permanent avec les centrales syndicales avec
lesquelles nous sommes liées. Nous avons témoigné notre pleine et
entière solidarité à nos camarades et nous avons hier après-midi
travaillé avec eux à l’occasion d’une réunion spécifique entre les
principaux responsables. Ils sont présents parmi nous. Je les salue au
nom du Congrès.
Je profite de cette tribune pour dénoncer à nouveau le climat violent
et la répression qui entoure les luttes. Les DOM n’échappent pas à la
règle. L’assassinat en février dernier de Jacques BINO demeure à ce
jour inexpliqué. Le Président de l’USTKE, Gérard JODARD, a été
condamné, fait sans précédent, et est emprisonné du seul fait de sa
qualité de dirigeant syndical. Nous demandons sa libération.
Les débats préparatoires au Congrès ont montré des différences d’appréciation sur les événements de cette année. Il est normal d’y revenir un instant.
Des camarades ont exprimé des désaccords avec la manière dont la
direction confédérale a fait face à cette période soit au motif qu’ils
rejettent par principe notre démarche unitaire qui est une orientation
de congrès, soit qu’ils estiment que les initiatives de mobilisation
qu’à impulsées l’intersyndicale, dont la CGT, étaient en dessous des
possibilités d’action.
Des camarades pensent même que la direction confédérale a mis le
pied sur le frein durant les mois de mai et juin !
La première chose que je voudrais dire à ce propos c’est que la
direction de la Confédération n’a jamais prétendu être irréprochable.
Elle vous présente néanmoins un bilan d’activité sur 3 années
tout à fait conforme aux orientations qui lui ont été fixées au Congrès
de Lille. Nous nous sommes efforcés durant ces derniers mois d’être en
permanence en relation étroite avec les directions des fédérations et
des unions départementales pour bien apprécier les capacités de
mobilisation réelles et prendre ainsi les meilleures décisions
possibles. 12 réunions statutaires (CE et CCN) ont été organisées avec
à chaque fois un débat et des décisions prises très majoritairement. A
chaque étape essentielle, les organisations du CCN ont pu donner leur
opinion.
C’est un mode de fonctionnement normal pour la direction
confédérale. C’est le même qui prévaut pour décider de notre signature
ou de notre non signature au bas d’un accord à l’issue d’une
négociation.
Il est vrai que tout le monde n’était pas toujours dans les mêmes dispositions dans le processus de mobilisation.
Pour certains, ça n’allait pas assez vite, pour d’autres, il fallait prendre le temps de bien préparer chaque rendez-vous.
Pour d’autres enfin, la priorité était l’action professionnelle et non le rendez-vous interprofessionnel.
L’une des missions de la direction confédérale c’est, avec
l’ensemble des organisations, d’être capable de dégager la meilleure
synthèse. Et je vous prie de croire que ce n’est pas toujours facile.
Il fallait et il faut entendre ceux qui reçoivent les lettres de
licenciements, qui occupent leur entreprise, et pour eux il y a extrême
urgence ; comme il faut entendre ceux qui approuvent mais ne se sentent
pas en capacité d’aller jusqu’à l’arrêt de travail parce que la fin de
mois est difficile ou qu’ils craignent le licenciement.
Comment mieux articuler nos décisions d’actions
interprofessionnelles avec l’engagement de toutes nos organisations
pour contribuer à leur réussite ?
Comment conjuguer le cahier revendicatif de chaque lieu de travail avec
l’ambition de convergences interprofessionnelles ?
Ce sont là de vraies questions.
Ignorer dans nos débats actuels que le potentiel de mobilisation
interprofessionnel est passé par des hauts et des bas au fil des
semaines c’est se priver d’une analyse objective nécessaire pour
l’avenir.
Il ne s’agit pas comme pour le CPE de lutter contre un projet
gouvernemental bien identifié mais de se battre sur des objectifs
transformateurs face à une crise de système sans précédent depuis
trois-quarts de siècle. Cela nécessite une grande qualité d’activité à
tous les niveaux.
Dans ces conditions, la réussite des mobilisations
interprofessionnelles reposait, et reposera toujours, sur une bonne
coordination de ces mobilisations au plan national et sur notre
capacité dans tous les syndicats, les fédérations, les UD les UL de
porter les convergences d’intérêts et la nécessité de l’action
collective. C’est la contribution de tous qui assure le succès.
Aucun appel syndical à quelque niveau que ce soit s’il est incantatoire ne pourra suppléer à cette démarche.
Les initiatives nationales interprofessionnelles du premier
semestre ont permis de rassembler des salariés qui répondaient à un
appel pour la première fois. Elles ont donné confiance aux salariés
pour des milliers de conflits dans les entreprises, les localités où
l’affrontement sur les enjeux est brutal. Il a d’ailleurs été possible
d’arracher des succès. Vous êtes témoins de ces combats.
Lorsque nous constatons qu’il a parfois manqué des forces de la
CGT dans certains rendez-vous comme ceux du 1er Mai ou plus prés de
nous le 7 octobre dernier, nous ne cherchons pas à culpabiliser telle
ou telle organisation. Nous cherchons à identifier les dimensions de
notre démarche que nous avons encore besoin de travailler pour
accroître le rapport de forces par de meilleures capacités de
coordination.
Il est un fait également que la petite musique dissidente de FO nous
refaisant le coup du « plus combatif que moi, tu meurs » a participé à
diffuser le sentiment d’impuissance.
Lorsque nous faisons le constat qu’un grand nombre de salariés peut
être à la fois extrêmement critique sur la politique aujourd’hui à
l’œuvre et sceptique sur les possibilités d’inverser le cours des
choses, ça ne nous conduit pas à considérer que les carottes sont
cuites !
Cela doit nous inciter à travailler notre argumentation, nos
propositions, et à responsabiliser chacun en luttant aussi contre la
délégation de pouvoir.
Cela doit nous conduire à l’écoute des salariés pour définir avec
eux les revendications prioritaires et les formes d’actions collectives
dans lesquelles ils peuvent s’engager.
Le syndicat, ses élus, c’est d’abord un outil au service des
revendications définies avec les salariés et portées par l’action.
C’est vrai que notre démarche est exigeante. Vous êtes tous
témoins que lorsque nous parvenons à la mettre en œuvre ça marche.
A l’évidence la précarité, la menace du chômage la pression sur le
pouvoir d’achat et sur les libertés syndicales pèsent sur les capacités
de mobilisation.
Il ne s’agit donc pas de reporter les responsabilités sur le « niveau supérieur » mais de travailler en convergence dès le lieu de travail et à tous les niveaux pour imposer des négociations au patronat et au gouvernement sur les sujets qui préoccupent les salariés et d’obtenir par les luttes des avancées sociales.
On ne peut éluder, lorsqu’on débat de la stratégie et des objectifs,
la situation des forces organisées de la CGT.
Au titre de l’exercice 2007, première année du système CoGeTise, nous
recensons 654 526 adhérents ayant réglé leur FNI, dont 116 959
retraités.
Le niveau de règlements des cotisations pour les années 2008 et 2009
semble supérieur et peut laisser supposer un nombre d’adhérents qui va
augmenter de quelques milliers.
Les syndiqués sont répartis dans 22 000 bases où la CGT est présente.
Nous chiffrons à 80 000 le nombre de syndiqués dits isolés, adhérents
de la CGT sans pour autant bénéficier d’un vrai syndicat.
J’en profite pour corriger l’interprétation qui a pu être faite sur la
répartition des syndiqués de la CGT sur la base de statistiques
communiquée vendredi :
53 % des syndiqués sont affiliés dans les fédérations dites du public,
mais ce sont 56 % des syndiqués qui relèvent de contrats de travail de droit privé.
L’ensemble de nos forces réunies nous permet un contact régulier avec un peu plus de 4 millions de salariés.
C’est avec cette force de frappe que nous devons raisonner.
Une force dont nous connaissons la dynamique militante de toute
celles et de tous ceux qui font la CGT au quotidien et dont vous êtes
les représentants.
Une force qui sait, lorsqu’elle est totalement en mouvement, mobiliser
des centaines de milliers de salariés au point que l’on constate, c’est
vrai, que dans les mobilisations unitaires, la CGT rassemble le gros
des troupes.
C‘est cette force qu’il faut développer et mieux organiser, j’y reviendrai.
Les nouvelles règles issues de la loi du 20 août 2008 sur la
représentativité syndicale et la validité des accords influe sur les
relations intersyndicales.
En dénonçant l’arrêté de 1966 qui figeait la représentation syndicale à
partir de laquelle on a pu nous imposer trop longtemps des accords
minoritaires, le dernier congrès avait décidé d’agir pour de nouvelles
règles plus démocratiques.
Nous pouvons nous féliciter d’avoir contribué à la mise en place d’un
nouveau dispositif qui permet aux salariés de déterminer par les
élections professionnelles quels sont les représentants devant siéger à
la table des négociations.
Il faut transformer l’essai en permettant aux salariés des PME d’avoir des représentants élus.
Plusieurs de nos homologues s’inquiètent des répercussions de ces
nouvelles dispositions puisqu’elles induisent de fait plus de
démocratie, plus de transparence dans les positions syndicales.
La CGT, qui a milité pour ces transformations, doit les
appréhender comme un encouragement vers une démarche de consultation
permanente des salariés sur le contenu des revendications et
l’appréciation du résultat après une négociation.
L’évolution du droit n’est pas pour rien dans certaines stratégies
de recomposition syndicale. Après le projet avorté de fusion UNSA-CGC,
c’est la remise en selle d’un pole syndical, dit réformiste par
opposition au syndicalisme dit contestataire. Ce schéma où il y aurait
des blocs syndicaux par principe en opposition l’un à l’autre
satisferait pleinement le patronat.
Lorsque la CGT réaffirme dans son document qu’elle veut contribuer,
par tous les moyens possibles, à ce que les syndicats et les salariés
se rassemblent pour peser plus unis et plus forts, nous sommes fidèles
à notre identité et à notre histoire.
80 % des salariés approuvent l’approche unitaire des syndicats. La CGT
est la première organisation aussi parce qu’elle travaille au défi de
l’unité.
Le virus le plus dangereux pour les salariés, cela a toujours été la
division.
Alors, quand les syndicats confrontent leurs analyses, se rencontrent, ça étonne, ça surprend encore, voire ça inquiète.
Quand la CFDT invite la CGT à réfléchir sur l’avenir du
syndicalisme à l’occasion de ses universités d’été, qui peut croire que
nous y allons pour copier ?
C’est nous qui progressons aux élections, donc c’est nous qui sommes invités ! C’est comme ça qu’il faut voir les choses.
Pourquoi croire que c’est nous qui, par principe, serions
influençables sans jamais penser que notre activité peut en influencer
d’autres ?
Lorsque la FSU et la CGT ont considéré d’un commun accord qu’il
était souhaitable et possible de travailler ensemble sur des enjeux de
la période. Cela illustre que des coopérations intersyndicales plus
poussées sont envisageables, comme en témoigne le colloque réunissant
nos militants à Caen, conclu par un texte sur la refonte de la
formation permanente et une formation tout au long de la vie.
Le dialogue entre nos organisations se poursuivra.
La CGT doit poursuivre son investissement dans le syndicalisme
international au sein de la CSI et faire progresser un syndicalisme
fondé sur la mobilisation des salariés à l’échelle du monde, à l’image
des actions du 7 octobre pour le travail décent.
Nous devons apprécier l’élection à l’unanimité la semaine dernière de
notre Camarade Joël Decaillon comme Secrétaire général adjoint de la
CES comme une reconnaissance de notre apport au syndicalisme européen.
Nous ferons le point de la situation dans les prochains jours avec les
autres syndicats. Cela ne nous empêche pas de prendre nos propres
initiatives et de nous mettre à l’offensive dès maintenant.
La crise de confiance des salariés à l’égard du patronat
s’approfondit si l’on en juge par une enquête parue la semaine
dernière.
59 % des salariés estiment être perdants entre ce qu’ils apportent
et ce qu’ils reçoivent de leur entreprise ou de leur administration,
seuls 8 % estiment être gagnants.
44 % des salariés estiment que leur situation de travail s’est
dégradée.
Laurence Parisot a beau nier l’évidence en affirmant que « l’idée d’un
divorce salariés-entreprise est fausse », les chiffres sonnent comme un
cinglant démenti.
Le résultat du match Medef / CGT est sans appel. Le Medef subit
une défaite inégalée : 86 % ne font pas confiance au MEDEF. 48 % font
confiance à la CGT.
Cette enquête souligne aussi le degré de souffrance des salariés.
Derrière la souffrance vécue par les salariés au travail, c’est la
question du travail lui-même qui est posée. Le problème n’est pas
seulement celui des conditions de travail et de son organisation.
Certes, il est indéniable que les formes d’organisation du travail à
l’œuvre aujourd’hui, produisent des effets négatifs sur la santé des
salariés.
Ces formes d’organisations du travail, de management, placés sous
la contrainte d’objectif de rentabilité à court terme entravent les
capacités des salariés, leur aspiration à réaliser un travail de
qualité.
Mais la souffrance au travail est plus fondamentalement le résultat
d’un détournement du travail, à des fins de rentabilité et de profit,
sans rapport direct avec sa vocation à être utile socialement..
Le travail devrait servir à construire sa vie, celle de sa
famille et plus largement, par son efficacité économique, le
développement de la société. Mais jusqu’à quel point cela est-il
possible quand on prive le salarié de toute possibilité d’intervention
sur le contenu et la finalité de son travail ?
La souffrance des salariés est le symptôme d’un travail malade,
d’une démocratie amputée, d’une citoyenneté qui reste à la porte des
entreprises et qui parait, de plus en plus, un rêve inatteignable.
Le syndicalisme, en intervenant avec les salariés, pour faire
reculer les risques professionnels et améliorer les conditions de
travail, conduit à se poser, avec eux, la question du contenu du
travail, de sa transformation, de son sens et des droits démocratiques
nécessaires à l’épanouissement humain dans l’entreprise et dans la
société.
Les négociations, concertations, délibérations proposées par le
Medef se multiplient. _ Mais les perspectives d’aboutir se font de plus
en plus minces. Pendant ce temps, le patronat est le grand bénéficiaire
des arbitrages gouvernementaux. Allègements de cotisations sociales,
suppression de la taxe professionnelle, exonération de la taxe carbone,
TVA à 5,5% dans la restauration, la liste des cadeaux s’allonge sans
cesse. En 2 ans, 30 milliards d’euros sont tombés dans l’escarcelle des
entreprises. Le Medef n’a pas besoin de donner de la voix, ses souhaits
sont systématiquement exaucés.
Côté salariés, la facture est de plus en plus lourde. L’imposition
des indemnités pour accident du travail atteint de ce point de vue
l’indécence.
Je ne sais pas s’il y aura une loi interdisant la fessée mais il y a
quand même des coups de pied au cul qui se perdent !
Pour nous aider à passer à l’offensive, la Commission exécutive
confédérale vous propose 3 initiatives :
une campagne nationale sur les revendications qui engagerait l’ensemble de nos organisations, dès le début de l’année,
notre participation dans un rendez-vous de mobilisation coordonnée en Europe,
une action plus résolue pour la défense des services publics.
Emploi, salaires et retraites pourraient si nous le décidons
ensemble, constituer les 3 thèmes d’une mobilisation revendicative de
la CGT dès le premier trimestre 2010. Les défis posés par l’extension
du chômage, la volonté d’imposer une baisse du pouvoir d’achat et des
droits à la retraite, imposent un appel à l’action des salariés.
Cette campagne revendicative serait l’occasion de donner corps à notre
revendication de nouveau statut du travail salarié et de sécurité
sociale professionnelle. Il s’agit pour nous de libérer le travail des
contraintes actuelles qui le mutilent et qui le mettent au service
exclusif de la finance.
Première question : l’emploi
30 millions, c’est le nombre d’emplois que devraient perdre les pays développés en 3 ans, selon l’OCDE.
Les destructions d’emplois ont dépassé le chiffre de 600 000 depuis
un an, le nombre de chômeurs officiel s’établissant pour la catégorie A
à 2,5 millions.
S’il y a moins de 3 millions de chômeurs et un pourcentage de la
population active au chômage inférieur à 10 %, c’est du fait de
l’exclusion des statistiques officielles des salariés en formation, en
Contrats de transition professionnelle, en convention de reclassement
personnalisé et ceux en dispense de recherche d’emploi. Le pire est
sans doute à venir car 750 000 chômeurs vont arriver en fin de droit en
2010 et vont se retrouver au RMI faute de créations d’emploi
suffisantes.
Premières variables d’ajustement dans la politique de restructuration
des entreprises : les précaires ont été les premiers à rejoindre les
files d’attente de Pôle Emploi.
Les entreprises tapent dorénavant « dans le dur », c’est-à-dire dans
les CDI.
Déjà asphyxié par une fusion stupide combattue par la CGT, pôle
emploi est dans l’incapacité de gérer l’afflux massif de chômeurs.
Malgré les nombreuses aides accordées aux entreprises, le plan
d’urgence pour l’emploi des jeunes adopté en avril par le gouvernement
connaît un flop retentissant.
La CGT a dénoncé ce plan dans la mesure où il reprenait les
vieilles recettes marquées du sceau de la précarité et qui ont fait
maintes fois la preuve de leur échec.
Nous revendiquons de conditionner les aides aux entreprises à la
pérennisation des contrats en alternance, des contrats aidés, à la
transformation des stages en contrats de travail à durée indéterminée.
Nous revendiquons par ailleurs une allocation d’autonomie pour les
jeunes en formation initiale et un revenu d’insertion pour les primo
demandeurs d’emploi.
Nous ne pouvons pas déconnecter la bataille pour l’emploi de celle que nous avons engagé sur l’industrie.
La question de l’avenir de l’industrie est revenue sur le devant de
la scène. Le patronat, le gouvernement, le Président de la République
cherchent à s’en approprier le mérite. Force est cependant de constater
que sans l’action persévérante de la CGT, la France ne compterait sans
doute plus dans le concert des grandes nations industrielles.
Les batailles des années 80 et 90 pour défendre les grandes
filières industrielles, de la sidérurgie à la chimie, en passant par le
textile et l’automobile, sont encore dans les mémoires. Plus récemment,
il a fallu le rassemblement de Villepinte en 2004, la première
manifestation nationale du 9 juin 2005 à Paris, la campagne de la CGT
avec ses temps forts des Assises de l’industrie en juin dernier, pour
que le gouvernement se décide à rouvrir le dossier sous la forme des
Etats généraux de l’Industrie.
Mesurons ce qu’il a fallu de ténacité pour en arriver là. Cela
faisait plus de 25 ans qu’un débat national sur l’avenir de l’industrie
ne s’était pas tenu.
Bien sûr, ce n’est pas parce que le dossier est rouvert qu’il va
déboucher. Mais mesurons que nous avons été capables de créer un
rapport de force, de mobiliser à nouveau 30 000 salariés, ouvriers,
techniciens, ingénieurs le 22 octobre à Paris. Il nous appartient
d’imposer les priorités qui sont les nôtres, l’emploi, les
qualifications, la recherche, les financements adaptés, les droits
nouveaux des salariés…
En l’état, le gouvernement propose peu. A écouter Christian
Estrosi, Ministre de l’Industrie, il faudrait instaurer une prime à la
relocalisation d’activités et un nouveau « crédit d’impôt innovation ».
Non seulement le compte n’y est pas mais nous n’irions pas dans la
bonne direction. La CGT ne cautionnera pas de telles mesures, de
nouveaux cadeaux aux entreprises.
Nous venons d’interpeller officiellement le Ministre de
l’Industrie à ce sujet.
Nous portons nos exigences et propositions dans les différentes
enceintes nationales et régionales. Nous devons continuer à faire de
cette question un thème de mobilisation des salariés dans les
différentes filières et les territoires.
Nous devons également aborder l’emploi en lien avec la problématique du développement durable.
La crise économique et sociale actuelle comme la dégradation de
l’environnement appellent de façon urgente une nouvelle logique de
développement. Les syndicats ne doivent pas laisser d’autres acteurs
s’emparer seuls de ce débat et en fixer les termes. Le patronat met en
avant la compétitivité des entreprises.
Les ONG de défense de l’environnement se focalisent pour leur
part sur les enjeux purement environnementaux sans toujours intégrer
les questions sociales.
L’expérience du Grenelle de l’environnement démontre qu’en
confrontant nos approches et sans renier nos conceptions fondamentales,
nous avons pu construire avec les ONG des positions offensives et
obtenir des avancées en matière de transport, de rénovation thermique
de l’habitat ou de mise en œuvre d’une filière de déconstruction des
navires. _ Ces avancées nécessitent bien sûr des batailles importantes
pour que ces engagements se concrétisent, notamment en terme de
financement. Ces convergences n’escamotent pas certaines approches
différentes.
La CGT ne souscrit pas à la thèse de la décroissance et milite
pour un rôle majeur de l’industrie pour réduire les émissions de CO2.
A ceux qui pensent que nous cédons à une mode, je rappelle que la
CGT n’a pas attendu le Grenelle de l’environnement ou le sommet de
Copenhague pour s’intéresser au développement durable. Dès 1999 la CGT
précisait lors de son 46ème Congrès que « changements technologiques,
mondialisation, besoin de préserver l’environnement … nécessitent de
nouveaux choix sociaux, économiques et de gestion » et que « la prise
en compte de ces 3 dimensions nouvelles de la croissance devrait
conduire à adopter un mode de développement durable ».
Nos propositions en matière d’emploi doivent bien sûr intégrer la
question des droits nouveaux d’intervention des salariés :
représentants des salariés dans les conseils d’administration, création
d’un droit suspensif aux licenciements pour permettre aux salariés
d’avancer des alternatives aux suppressions d’emplois. Nous voulons
intervenir tout autant sur l’emploi public mis en cause par la RGPP et
la déréglementation que sur les emplois privés.
J’en viens à la seconde question pour cette campagne, celle des
salaires. Nous entrons incontestablement dans une nouvelle phase de la
bataille pour les salaires. Le patronat, s’abritant derrière la crise,
cherche non seulement à bloquer les revalorisations indispensables,
mais il cherche aussi à amputer les rémunérations complémentaires
(primes, intéressement, participation). Il s’attaque désormais au
niveau des salaires en tant que tel.
Précarité et pauvreté salariale tirent l’ensemble des salariés
vers le bas.
Après le « travailler plus pour gagner plus », on passe au « gagner
moins pour garder son boulot ! » La tentation pour les patrons de
rogner sur les salaires se fait de plus en plus pressante :
rémunérations gelées, RTT supprimées, primes réduites …, voici un
avant-goût de la cure d’austérité qui risque de frapper nombre de
salariés en 2010. Une pilule amère que les entreprises tenteront de
faire avaler aux salariés en invoquant la préservation de l’emploi.
C’est déjà en cours.
Il n’y a pas eu de coup de pouce pour le SMIC en 2009. Au 1er
janvier 2010, dans 3 semaines, le SMIC augmentera de 0,3 – 0,4 %, soit
4 à 5 euros par mois !
3,4 millions de salariés sont rémunérés au Smic, c’est 300 000 salariés
de plus. La pauvreté est liée au développement des emplois à bas
salaires. Elle touchait 3,7 millions de salariés ayant un emploi en
2007.
Le RSA - en moyenne une centaine d’euros supplémentaire par ménage
de travailleur pauvre - ne suffira pas pour réduire les difficultés que
vivent ces familles ! C’est par l’accès à l’emploi de qualité que les
travailleurs pauvres et les titulaires du RSA pourront sortir de la
pauvreté.
Si cette tentation de bloquer les salaires, voire d’abaisser les
rémunérations venait à se généraliser, les conséquences pour l’économie
seraient évidemment dramatiques. En cas de baisse générale des
salaires, c’est l’emploi qui trinquera, la baisse du pouvoir d’achat
des salariés venant réduire leur consommation, accentuant la dépression
de l’économie. De quoi engager notre pays et l’Europe dans la
déflation.
En matière salariale, au moins une fois par an, les salaires doivent
faire l’objet de négociations, aussi bien dans les branches
professionnelles que dans les entreprises. Il est nécessaire
d’actualiser partout les cahiers revendicatifs.
Augmenter les salaires, les pensions et minima sociaux, c’est un
enjeu majeur pour répondre aux besoins des salariés, retraités, privés
d’emploi,… pour relancer la consommation, pour sortir de la crise. Le
SMIC est un des piliers de la croissance. C’est la base de
reconnaissance des qualifications, c’est un repère social en terme de
niveau de vie. La CGT ne le laissera pas être vidé de son contenu.
Notre campagne doit également prendre toute la dimension de
l’exigence qui grandit parmi les salariés en matière d’égalité
salariale entre femmes et hommes. C’est une revendication jugée
prioritaire par les salariés. Agir sur l’emploi et sur les salaires est
de nature à conforter tous les systèmes de protection sociale en
accroissant les ressources de la sécurité sociale.
Cela me conduit à évoquer un troisième axe : l’avenir des retraites.
L’avenir des retraites sera au cœur de l’affrontement social en
2010. Ce rendez-vous sera « le marqueur de la volonté de réforme de la
majorité » a déclaré le Président de la République. Nous sommes bien
décidés à en faire « le marqueur de la volonté de résistance des
salariés » face à mise en cause des garanties sociales.
Je veux commencer par dénoncer l’immobilisme qui règne depuis 2003
pour reconnaître la pénibilité de certains métiers et la concrétiser
par une reconnaissance d’un droit anticipé au départ à la retraite.
Ceux des travailleurs ayant une espérance de vie de 7 ans inférieure
aux autres parce qu’usés par le travail ont droit à la retraite
anticipée.
Le gouvernement conforte le patronat à s’exonérer de toute
responsabilité. Nous voulons que cette question de la pénibilité soit
réglée avant le rendez-vous retraite de 2010.
La retraite par répartition est la traduction de la solidarité entre
jeunes, actifs et retraités. _ C’est un enjeu de société. Le Président
de la République reprend ses objectifs de campagne électorale de 2007.
Conformément aux souhaits du Medef, il récuse toute nouvelle
contribution des entreprises au financement des retraites. La CGT doit
dès maintenant de se préparer à l’échéance.
Il est clair que cela suppose une forte mobilisation des salariés et l’action la plus unitaire possible.
J’attire à ce propos votre attention sur le fait que la division
syndicale a régulièrement pesé sur cette question. Mesurons l’intensité
de la bataille que nous devons engager pour éviter que la division se
reproduise en 2010.
Quant aux objectifs revendicatifs, ce congrès est l’occasion de les repréciser.
Notre système de retraite s’est construit à partir de l’existence
de plusieurs régimes, avec un principe commun, le service d’une
« prestation définie », c’est-à-dire la garantie, à l’âge d’ouverture
du droit, d’un niveau de retraite par rapport au niveau de salaire
perçu en activité : ce qu’on appelle le taux de remplacement.
Cette garantie a constitué la base du système de retraite en
France depuis la Libération.
Madame Parisot, Présidente du Medef a eu cette déclaration stupéfiante
à propos de l’âge de la retraite : « à 57 ans, on n’a pas le même âge
suivant que l’on a encore 3 ou 6 ans à faire dans l’entreprise »,
autrement dit, plus vous travaillez longtemps, plus vous restez
jeunes ! A ma connaissance, aucun professeur de médecine n’avait encore
fait cette découverte !
On voit clairement se dessiner la volonté à la fois de reculer
l’âge ouvrant droit au départ à la retraite et la volonté de modifier
le système en profondeur.
A l’inverse, la CGT réaffirme ses revendications :
75 % minimum de taux de remplacement et maintien du droit au départ à
60 ans, avec un minimum de pension aligné sur le SMIC. C’est le socle
commun qu’elle propose pour tous les régimes et que nous avions défini
au Congrès de Montpellier et précisé à celui de Lille.
La solidité d’un régime par répartition repose sur la confiance qu’ont
les actifs cotisants, particulièrement les plus jeunes d’entre eux,
dans le niveau de la pension qu’ils percevront à leur tour.
Ce niveau est aujourd’hui remis en cause par les conséquences des
réformes Balladur et Fillon. Le gouvernement et le Medef veulent aller
plus loin.
Pour enrayer cette mécanique infernale, nous devons faire partager
massivement notre objectif revendicatif de conforter l’ensemble des
régimes par l’existence d’un socle commun, avec une réforme des
financements permettant de garantir l’avenir pour chacun des régimes.
Prêtons attention à la volonté du Medef et de l’UMP de mettre en
place une réforme générale - dite « systémique » - consistant à
fusionner tous les régimes actuels en un seul, régime prétendument
miracle pouvant prendre la forme d’un mécanisme par points. Elle
signifierait la remise en cause de la retraite à 60 ans et le
durcissement des conditions d’acquisition des droits.
La baisse des pensions ou l’écroulement du système sont présentées comme les 2 seules alternatives possibles !
Face à cette offensive, la CGT ne veut pas laisser chaque régime se
battre isolément ce qui ferait le jeu de ceux qui veulent imposer une
régression historique en matière de retraite.
Avec la proposition faite au Congrès de débattre d’une « maison
commune des régimes de retraite », tout à l’opposé d’une mise en cause
des régimes actuels, nous visons à créer les conditions d’une gestion
transparente des régimes, afin d’assurer, pour les nouvelles
générations, la sécurité du financement et la transparence. Nous en
débattrons.
Croyons bien que nous jouerons l’année prochaine une partie décisive
qui implique l’engagement solidaire de toutes les forces de la CGT et
du syndicalisme.
Deuxième initiative, l’ensemble des Confédérations syndicales réunies dans
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